Les portraits affranchis ont été réalisés d'avril à septembre 2004. L'ensemble fait suite à la rencontre avec Alechinsky, dans son atelier, fin octobre 2003. Il s'agissait alors de faire le tri dans les envois postaux expédiés à celui-ci depuis octobre 1997, et d'en préparer une sélection pour une exposition au Musée de la poste, à Paris, en mai 2005. Ce projet chronophage pour l'invitant n'a pas été réalisé.
L'EPISTOLIER
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Pierre Alechinsky et ses invités Michel Butor, Dominique Penloup, Jacques Réda, Wallasse Ting, Christian Dotremont (1922-1979), Joyce Mansour (1928-1986).
A revoir ce jour-là, mes envois timbrés, je prenais conscience qu'au-delà du simple "exercice d'admiration" (Cioran), j'avais tendu un miroir qui tentait, dans une sorte de jeu d'adresse, de fixer dans le même espace l'œuvre et le portrait physique d'Alechinsky. Joyeux méli-mélo-mél art, où je braconnais de plis en replis sur les terres de mon destinataire. Certains de ces envois touchaient les limites propres à cet exercice et demandaient à être précisés, développés. Il me fallait affirmer le propos critique, reprendre le trait... J'allais dans une série de portraits tenter de dégager les éléments propres à l'œuvre d'Alechinsky. A défaut d'autoportrait -le terme n'apparait guère de façon explicite si l'on excepte "Autoportrait sans trait" de 1965-, des photos du peintre allaient me servir de points d'appui. Elles seraient traitées avec une forme de neutralité, loin de cette "dextérité du gaucher" dont parle Alechinsky.
Très vite je m'aperçus de la difficulté de l'entreprise et de ses nombreux écueils: plagiat, parodie, pastiche, me tendaient leurs pièges. Ce n'est pas en allant regarder du côté de Picasso qui s'amusa, entre autres, à revisiter le déjeuner sur l'herbe dans une série de 27 peintures, que j'allais trouver du réconfort, à en juger par ce qu'il avait écrit avant de s'y mettre:"Quand je vois le déjeuner sur l'herbe de Manet, je me dis: des douleurs pour plus tard."
J'ai éprouvé, bien sûr, les douleurs, mais je retiendrai avant tout le bonheur des improvisations et variations propres aux musiciens de jazz quand ils s'emparent d'un thème. Improvisations et variations sur Central Park, ou James Ensor; jeu sur les lunettes (symbole du Cobra, qui traversent l'œuvre); sur les projections d'encre (Pollock n'est jamais bien loin), sur les titres...
Mais je laisse à chacun le soin de découvrir ou d'ignorer les clins d'œil qui émaillent ce travail, qui se veut avant tout un hommage critique. Laquelle s'exerce habituellement par le biais d'articles ou d'études savantes. Dans cette approche et au travers de ces portraits et de leurs études, il est juste proposé de partager l'intérêt porté à une œuvre, tout en donnant l'envie de la découvrir ou de la redécouvrir.